jeudi 20 janvier 2011

Revue de presse 18/01/11 - Merci aux insoumis !

Tunisie. Lundi, après trois semaines d'émeutes et la fuite du président Ben Ali en Arabie Saoudite, son dernier Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, a annoncé qu'il avait formé un gouvernement d'union nationale de 24 membres, dont trois chefs de l'opposition légale, huit ministres de l'ancien gouvernement et des représentants de la société civile.
Mardi, ce nouveau gouvernement est déjà contesté, du fait notamment de la présence en son sein des anciens ministres du régime...
Ainsi, pour l'heure, l'issue du mouvement de révolte tunisien n'est encore pas assurée. Observatrice lointaine et mal informée, je ne me permettrai donc pas de pronostiquer d'ores et déjà l'arrivée d'une véritable démocratie de droits en Tunisie.
Toutefois, je me devais de saluer avec ma consœur Roukaya le courage des Tunisiens de la Révolte des Jasmins, qui sont en passe de devenir un modèle d'indignation pour le monde arabe, mais aussi pour nous, en France.

Je voudrais d'abord rendre hommage à Mohamed Bouazizi, le premier martyr de la révolte tunisienne, ce jeune diplômé chômeur de 26 ans qui s'est immolé, le 17 décembre 2010, parce que les autorités l'empêchaient de vendre ses fruits et légumes faute d'autorisation. Je voudrais rendre hommage aussi aux dizaines de manifestants tués par une répression sanglante pendant ces trois semaines de révolte. Plus généralement, je voudrais rendre hommage aux peuples tunisien, mais aussi algérien, jordanien, égyptien, qui commencent à se soulever contre les Ben Ali, Kadhafi, Bouteflika, et autres Moubarak lequel, par exemple, âgé de 82 ans, règne depuis plus de trente ans sans partage en Égypte...
Aux cris de « Liberté, dignité, travail! », ils nous montrent notamment que la question sociale est indissociable de la question démocratique et j'espère que cette insoumission a encore de beaux jours devant elle!
Pour reprendre Edwy Plenel, dans son édito du 16 janvier sur Médiapart, « le peuple tunisien vient de montrer aux habitants du monde arabo-musulman, du Maghreb au Machrek, qu'il n'y a pas de fatalité à la servitude et que des régimes apparemment inébranlables peuvent s'effondrer sous le poids de leurs injustices et de leurs impostures. »
Je vous invite d'ailleurs à consulter en ligne l'analyse pointue de l'éditorialiste*, pour qui les évènements tunisiens pourraient non seulement ébranler le monde arabe, mais aussi les politiques français, de droite, comme de gauche! En effet, si on a tous retenu la sortie de Michèle Aliot-Marie qui voulait conseiller la police de Ben Ali dans son effort de répression... Mediapart nous rappelle que DSK, en tant que directeur général du FMI, a quant à lui déjà fait l'éloge du modèle tunisien, portant ainsi un jugement « très positif » sur la politique du pays...

Pour finir, je ne résiste pas à vous copier ici un passage intégral du texte d'Edwy Plenel, parce que je trouve qu'il s'agit d'une brillante démonstration du caractère POPULAIRE de cette insoumission tunisienne, dans une région où les seuls véritables opposants aux pouvoirs autoritaires sont bien trop souvent les islamistes radicaux:

« Or tous ces pouvoirs plus ou moins autoritaires, qui désespèrent les espoirs de la rue arabe et donnent ce visage d'immobilisme politique à la région, sont soutenus par les puissances occidentales, activement ou silencieusement. La menace islamiste est leur caution et leur alibi. Caution de leur existence intouchable : retournant à leur profit l'idéologie du choc des civilisations, ils se posent en rempart contre l'extrémisme musulman. Alibi de leurs crimes impunis : partenaires de la ténébreuse guerre antiterroriste, ils y trouvent des excuses pour leurs violations des droits et leurs vols des richesses. La vérité est pourtant qu'ils ont enfanté cet islam politique, non seulement en trahissant leurs promesses initiales mais, souvent, en étant les premiers à utiliser l'arme religieuse pour mater, par le passé, les contestations sociales et démocratiques qui les ébranlaient.
Telle est la radicale nouveauté introduite par l'insurrection tunisienne : le retour au premier plan de la question démocratique et de la question sociale, indissociables. Qu'il s'agisse de l'Afrique du Nord ou du Proche-Orient, c'est le surgissement d'un message d'espoir après tant de décennies dominées par la régression religieuse, les replis identitaires et les affrontements sectaires. Se battre pour la liberté et l'égalité, pour le droit de s'exprimer et le droit de travailler, pour le droit d'avoir des droits tout simplement, c'est échapper aux identités immuables et aux communautés fermées. C'est chercher et inventer ce qui rapproche et rassemble, au lieu d'exacerber ce qui divise et ce qui éloigne. C'est en somme construire ensemble un avenir politique dont l'exclusion et l'intolérance ne seraient plus les normes. Un avenir où la raison l'emporterait sur la croyance. »

* http://www.mediapart.fr/journal/international/160111/lespoir-tunisien-secoue-la-france