mercredi 15 décembre 2010

Chronique ciné 14/12/10 - "Octubre"


L’intrigue tourne autour de Clemente, connu comme étant « le fils du prêteur ». Son métier c’est de prêter de l’argent aux gens qui n’ont pas accès aux crédits bancaires, en leur demandant des intérêts, tout comme une banque. L’histoire se complique lorsqu’un jour , en rentrant chez lui, il découvre dans sa chambre un nourrisson posé dans son couffin. D’où vient le bébé ? est ce qu’il va le garder pour s’en occuper ou est-ce qu’il va préférer s’en débarrasser? c’est ce qu’on va savoir durant le film.

Octubre est un film péruvien, de Daniel et Diego Vega Vidal. Daniel est producteur de publicités à Lima. Diego, lui, avait fait des études supérieures en économie avant d’engager une école de cinéma à Cuba. Il est aujourd’hui scénariste à Lima, de cinéma et de télévision. Ces deux frères signent avec Octubre, notre film d’aujourd’hui, leur entrée dans le monde de la réalisation de long-métrages. Diego comme Daniel pense que ce film est leur « interprétation singulière du cinéma ». Octubre a eu le prix du jury, dans la sélection « un certain regard » à Cannes cette année. Même si mon avis est partagé, je reste persuadée que pour un premier film, être distribué dans plusieurs continents prouve un minimum les qualités de l’œuvre.

Le film tourne donc autour du quotidien de Clemente, une personne solitaire qu’on n’entend presque pas pendant les premières 20 minutes du film. C’est une personne plutôt antipathique, qui passe son temps entre mettre la pression aux mauvais payeurs, payeurs qui ont du mal à s’en sortir avec leurs dettes augmentées de 20% d’intérêts, et aller voir les prostituées du coin presque tous les jours. Lorsqu’il découvre le bébé dans sa chambre, il se doute bien d’où il vient et qui sont ses parents. C’est pour ça que, pour ne pas abandonner la petite fille, pourtant bien mignonne, il engage sa voisine Sophia, la vieille fille catholique pour la garder. Bien qu’il se passe des choses dans le film, Clemente reste très sombre comme personnage, et essaye de communiquer le moins possible.

Les frères Vega Vidal signent une mise en scène soignée, et apparemment très symétrique, avec autant de distance entre une chaise et l’autre par exemple. Daniel, qui travaille l’aspect visuel sur le tournage, veut trouver de la beauté dans chaque plan. Avec un tournage qui se déroule dans des quartiers populaires de Lima, des maisons sales et ruinées, c’est sans doute le fait de dégager des sensations, des sentiments ressentis mais qu’on ne nous dit pas des personnages, que les metteurs en scène voulaient montrer. Face à cette symétrie, c’est à quelqu’un de chaotique dans les idées et les faits qu’on découvre. L’esthétique que le film donne à voir c’est celle de la misère, de l’insécurité et du manque de confort de la vie péruvienne, (comme traces de la violence qui a eu lieu dans le pays durant les années 1980-90). Les acteurs évoluent dans un décor étroit, avec une lumière sombre, assez significative de la vie terne que mènent Clemente et Sophia. Clemente parce que la situation de pouvoir qu’il exerçait sur les gens au début du film va se renverser contrer lui. Et puis Sophia parce que c’est une femme seule, qui rêve de s’installer avec quelqu’un, avoir des occupations liées au foyer familial, alors que Clemente, chez qui elle vit, ne veut pas de ses avances.

Le film est sans doute chargé de connotations liées à la religion, aux rapports Homme/Femme et aux valeurs qu’un être humain peut avoir, ou pas. La référence au mois d’octobre, qui prend le titre du film, se justifie par la citation de la fête du Seigneur des Miracles à Lima… en plus d’être de mois de la révolution russe… Ainsi, la figure du gars sans scrupules, tricheur et indifférent qu’est Clemente s’oppose à celle du Christ, dont on fête les qualités infinies. La fin du film, que je ne vous cacherais pas parce qu’il n’y en a pas vraiment, est peut-être une réponse aux prières répétées de Sophia. Quelque chose de mystique se passe, mais qu’on ne voit pas dans les images. Peut-être que Clemente va enfin comprendre qu’il n’est pas dans la bonne voie ? difficile d’en savoir plus…

Le film, Octubre, était en avant-première hier soir au cinéma le Majestic à Lille en présence des réalisateurs Diego et Daniel Vega Vidal. Vous pourrez le voir à partir du 29 décembre en salles, date de sa sortie nationale (histoire de finir en beauté l’année 2010).

Roukaya Ben Fraj