vendredi 24 septembre 2010

Revue de presse 21/09/10 - questions de priorités

« Être ou ne pas être... à la mode. De nos jours, là est – bien souvent – la question. » se demande, dans son édito de ce mois-ci, Éric Maitrot, rédacteur en chef du passionnant mensuel régional Nordway. Poignant dilemme en effet que se pose le magazine en cette rentrée si pauvre en actualité sociale, xénophobie d'État – cette expression est un peu à la « mode » dans mes chroniques en tout cas ! - et autres scandales politico-financiers... Pour Nordway, la « question du mois » (quatre pages en actu quand même) est donc bien celle-ci : « La Métropole s'est-elle mise à la mode? » Autre interrogation cruciale quelques pages plus loin : « Le record de l'écharpe la plus longue du monde sera-t-il battu à Fourmies? » (Épargnez-moi cette moue désabusée, je sais bien que cette question vous tarabuste aussi...! Et bien sachez que les participants nourrissent un espoir secret : « battre le record détenu par les Gallois de Cardiff, soit 54,290 kilomètres », ça rigole plus !)
J'exagère sans doute un peu... Dans un journal d'une soixantaine de pages, il doit bien y avoir quelques papiers intéressants, non ? Eh bien, à dire vrai, j'avoue que j'ai un petit faible pour « l'anti-portrait » de Jack Lang... « curieux », « flamboyant », « original », « atypique », « travailleur », « extrêmement exigeant », « drôle », « curieux », « cultivé », « bête politique »... Les superlatifs ne manquent pas dans ce soi-disant « anti-portrait » réalisé à partir de quatorze témoignages dont « les séduits », « la famille », « les amis », « les collègues » et seulement trois « critiques »... Heureusement que Jean-Pierre Boutoilles du collectif d'aide aux migrants C'Sûr nous rappelle que Jack Lang avait soutenu la fermeture de Sangatte par Nicolas Sarkozy ! On en oublierait presque sinon le virage sarkozyste du bien aimé député du Pas-de-Calais... Celui-là même qui, comme le souligne marianne2.fr, s'est bien gardé de condamner le discours sécuritaire et raciste de Nicolas Sarkozy à Grenoble... Celui-là même qui est le seul député socialiste a avoir soutenu le projet de loi Hadopi ou encore la réforme constitutionnelle... Celui-là même qui défend Éric Woerth dans l'affaire de la succession César, etc.
Allez, ne vous inquiétez pas, tous les médias ne sont pas aussi cabotins... Aujourd'hui par exemple, j'avais décidé de m'intéresser aux mensuels que nos auditeurs pouvaient encore trouver en kiosques, alors j'ai acheté CQFD me pour me remettre de mes émotions nordwesques. Et je n'ai pas été déçue ! Enfin si, j'ai été un peu déçue en fait, pas par le canard lui-même, mais par l'action sociale ! Dans son édition de septembre, CQFD nous propose ainsi une interview stupéfiante d'une assistante sociale et de deux éducateurs travaillant dans des associations de réinsertion. Et leur témoignage fait vraiment peur... « Elle n'a pas assez connu la galère, il faut qu'elle aille un peu dans la rue. Après, peut-être qu'elle acceptera notre aide ». Ce genre de réflexions, Estelle affirme en entendre de plus en plus depuis quelques temps. Il faut dire qu'aujourd'hui, l'action sociale entretient la « culture du résultat »... L'État ayant délégué une grande partie de sa mission d'accompagnement social aux associations, ces dernières se doivent en effet de prouver leur efficacité en terme de réinsertion, sous peine de ne pas voir renouveler leurs subventions. Un système pervers qui crée des situations absconses et marginalise encore plus les précaires, lesquels doivent régulièrement passer des entretiens pour déterminer s'ils ne sont pas trop pauvres ou pas assez, trop sales ou trop propres, pour bénéficier du suivi de telle ou telle association... Quant aux travailleurs sociaux, on leur demande de faire du chiffre, en faisant primer la quantité sur la qualité de leur accompagnement !
Faire du chiffre... Telle est également la mission des préfectures, censées expulser à tour de bras – ou plutôt à tour de charters – sans-papiers et autres romanichels. A ce sujet, CQFD publie également ce mois-ci six petites planches du dessinateur Berth, initialement prévues pour feu Siné-Hebdo, intitulées Les Expulsables, et qu'on peut désormais retrouver dans l'album éponyme du dessinateur aux éditions Hoëbeke.
Trêve de plaisanteries, je vous invite également à découvrir l'enquête sur la gestion des logements des mineurs de ch'Nord publiée aujourd'hui par Rue89 en partenariat avec France Inter. On y apprend ainsi que « 63 475 logements gérés par la Soginorpa, l'établissement régional chargé de gérer ce patrimoine, ont fait l'objet de placements financiers hasardeux… au risque de déclencher une crise des subprimes, version cht'i ». La Soginorpa aurait en effet massivement emprunté aux banques selon un principe appelé « gestion active de la dette » : « Le principe consiste à proposer des taux très attractifs en début de prêt qui, ensuite, vont se transformer en taux variables indexés sur des indices monétaires ou boursiers. Une vraie roulette russe où les collectivités peuvent gagner (un peu) ou perdre (beaucoup). » Précision utile : « La Soginorpa est une filiale à 100% de l'Epinorpa, sorte de holding de contrôle, entièrement aux mains de la région Nord-Pas-de-Calais, dont le conseil d'administration est présidé par Jean-Pierre Kucheida, député-maire de Liévin. » Merci encore à Rue89 – à l'instar du désormais célèbre Médiapart - de nous rassurer sur le monde politico-financier !
Et puisque j'étais dans les mensuels, j'en profite pour vous rappeler que depuis trois mois, Rue89 édite également un magazine mensuel papier du même nom avec ce mois-ci notamment, un dossier fort intéressant sur la croissance et la décroissance. Quoique encore fort timoré sur la question, Rue89, soulève le dilemme tabou d'une croissance infinie dans un monde aux ressources finies et esquisse quelques pistes de solutions avec des personnages tel que Pierre Rabhi et sa « sobriété heureuse » ou encore Tim Jackson et sa « prospérité sans croissance »...
Enfin, pour finir sur une note un peu plus guillerette, laissez-moi vous raconter, avec Rue89 toujours, quelques « préhistoires de cul » (le jeu de mots n'est pas de moi !). Pour entrer dans le vit du sujet (celui-là si), le magazine nous invite à découvrir l'exposition « Sexe en pierre » à Atapuerca en Espagne, une exposition de sculptures et gravures sur pierre du paléolithique reproduisant des scènes d'amour, de masturbation, des godemichés ancestraux et bien sûr quelques célèbres Vénus callipyges ! Une belle occasion pour les historiens de braver quelques tabous en montrant que le sexe-plaisir et non simple reproduction était déjà d'actualité chez nos très vieux ancêtres. Allez, Cromagnon, fais-moi voir ton beau... silex !

ZB