vendredi 18 mars 2011

Revue de presse 15/03/11 - CATASTROPHE nucléaire

Aujourd'hui, j'ai prévu de vous annoncer de très bonnes nouvelles!

La première - et elle est de taille - c'est que vous pouvez vous rendormir tranquilles sur vos deux oreilles, mes bons concitoyens, car la technologie nucléaire est ab-so-lu-ment sans danger...

Oui, mais, me direz-vous, et la catastrophe actuellement en cours au Japon? Don't worry, be happy! Il ne s'agit nullement d'une « catastrophe nucléaire » mais seulement d'un "accident grave", dixit notre bon ministre de l'Industrie, Éric Besson... C'est ainsi qu'au cours d'une conférence de presse tenue samedi après-midi, alors que le premier réacteur de la centrale de Fukushima venait d'exploser le matin même, que le clairvoyant Éric Besson s'est montré tout à fait rassurant : "A ce stade, et selon les informations dont on dispose, (…) cela n'a rien à voir avec Tchernobyl".
Et sa comparse de l'Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, de confirmer : "Aujourd'hui ont été relâchées dans l'environnement des émanations de vapeurs faiblement radioactives qui, au moment où nous parlons, ne semblent pas devoir être dangereuses pour les Japonais eux-mêmes"...
Avec des vapeurs « faiblement radioactives » il n'y avait donc aucune raison de s'inquiéter, non?

Bon, d'accord, le lendemain, le réseau Sortir du Nucléaire a publié les premières mesures indépendantes de radioactivité relevées aux abords de Fukushima par six courageux journalistes japonais, mesures, il est vrai, quelque peu alarmantes... Il apparaît ainsi que les habitants de la région reçoivent en seulement quelques heures la dose de radiations tolérée en France annuellement !
Mais bon, puisqu'il ne s'agit pas d'une « catastrophe nucléaire », ne nous alarmons pas pour si peu...

Pardon ? Si je n'ai pas oublié quelques détails dans ma démonstration ?
A dire vrai, j'ai peut-être omis de rappeler que depuis l'explosion du premier réacteur samedi, il y a aussi eu l'explosion du réacteur 3 de Fukushima hier, lundi... Et puis, surtout qu'aujourd'hui même – mardi pour nos auditeurs arrageois – la crise nucléaire a gagné en intensité avec l'explosion du réacteur n°2.
Et là... C'est indéniable... Même Éric Besson l'a enfin avoué ce matin sur RTL : "On est sur le chemin d'une catastrophe"...

Le TRES GROS problème, comme nous l'apprend un communiqué de Greenpeace, c'est en effet que, cette fois-ci, l'explosion ne s'est pas produite à l'extérieur mais à l'intérieur de l'enceinte, « sous la cuve du réacteur dans laquelle les combustibles radioactifs sont en grande partie fondus ». Les combustibles irradiés se trouveraient ainsi en contact direct avec l’atmosphère et tout refroidissement serait désormais quasiment impossible. Selon Sophia Majnoni, la responsable du sujet Nucléaire pour l'ONG, “on se rapproche du pire scénario possible et il est maintenant certain que des rejets de radionucléides ont commencé”.
Selon Greenpeace toujours, les autorités japonaises rapportent avoir mesuré un niveau de radioactivité pour une heure équivalent à plus de huit fois la dose annuelle admise pour le public. Or, cette radioactivité peut se disperser au-delà de la zone de 20 km déjà évacuée, atteindre les populations et contaminer durablement l’environnement, portée notamment par les vents du Nord vers la capitale archipeuplée, Tokyo.

Alors oui, excusez-moi Monsieur Besson, mais c'est malheureusement bien à une situation catastrophique à laquelle nous assistons impuissants aujourd'hui...

Chers auditeurs, je suis confuse, je vous avais pourtant annoncé des bonnes nouvelles pour ma chronique d'aujourd'hui...
Je vais donc faire un petit effort, en vous annonçant avec notre président préféré, qu'au moins, en France, nous n'avons aucun risque de vivre une telle catastrophe nippone !
Ben ouaip, si on en croit les propos de Sarkozy rapportés hier par le Parisien, «Si on a perdu des marchés et des appels d’offres, c’est parce qu’on est les plus chers. Et si on est les plus chers, c’est parce qu’on est les plus sûrs !» Bien sûr !
Et notre VRP national de l'atome d'ériger l'EPR en exemple : «L’EPR, je connais bien le chantier, j’y suis allé plusieurs fois. Je suis désolé de dire ça, mais on a la double coque ! Le principe de la double coque, c’est que si un Boeing 747 s’écrase sur une centrale, le réacteur n’est pas touché».
Vous voilà rassurés, braves gens ?
Ben vaudrait mieux pas !
Et là, je m'appuie sur une interview donnée dimanche par Jean-Marie Brom à l'Est Républicain. Selon ce porte-parole du Réseau Sortir du Nucléaire, en effet, plusieurs centrales françaises pourraient fort bien connaître le même triste sort que les centrales nippones, en particulier la plus ancienne toujours en activité, celle de Fesseheim en Alsace, construite sur une faille sismique connue et avérée...

De même, un communiqué du Réseau Sortir du Nucléaire nous rappelle que le Réseau et d'autres associations ont rendu public, en 2003, un document « confidentiel défense » d’EDF, démontrant que le réacteur nucléaire EPR ne résisterait pas au crash d'un avion de ligne... pas plus d'ailleurs qu'aucun autre réacteur nucléaire au monde !
En outre, la société EDF elle-même a récemment révélé que 19 des 58 réacteurs français possèdent des générateurs de secours qui ne démarreraient pas en cas de besoin...
Vous étiez rassurés, braves gens ? Et bien tremblez maintenant !

Pour finir ma chronique, je vous propose quand même une vraie bonne nouvelle à laquelle je crois sincèrement, mais dont le revers de la médaille est fort effrayant : LES CATASTROPHES NATURELLES N'EXISTENT PLUS !
Attention, ne montez pas au créneau tout de suite, car je reformule plus justement : les catastrophes naturelles ne DEVRAIENT plus exister...
Ainsi, on a tous en mémoire le séisme meurtrier qui a causé plus de 200 000 morts à Haïti l'an dernier. Pourquoi un tel drame ? Parce que les tremblements de terre sont inévitables, bien sûr... Mais aussi et surtout parce qu'Haïti est un des pays les plus pauvres du monde, et qui dit pays pauvre dit aussi bâtiments de piètres qualités, infrastructures défaillantes, déboisement à outrance et érosion dans le cas d'Haïti, etc.
Un pays aussi développé que le Japon, en revanche, a largement les moyens de protéger sa population des drames naturels : bâtiments anti-sismiques de pointe, organisation pointue des secours, système d'alerte d'une performance unique au monde... (D'ailleurs, selon un article du Monde de dimanche 3 minutes ont suffi aux autorités japonaises pour lancer les premières alertes au tsunami après la fin du séisme...) Alors, oui, le tsunami a fait 10 000 morts, c'est dramatique, mais on a évité le pire !
Malheureusement, seulement 10 000 morts, ça ne devait pas être assez drôle, alors le monde moderne a inventé la catastrophe nucléaire... Bravo, comme ça, finalement, Haïti dévastée n'aura plus grand chose à envier à un Japon irradié...

Je suis bien obligée de conclure avec le slogan du Réseau Sortir du Nucléaire : la seule décision politique responsable, pour le Japon comme pour la France, est de sortir du nucléaire !